Dès le début du XIXe siècle, l'architecte Richard-François Bonfin et son fils Michel Jules — ce dernier de retour d'un séjour d'études à Rome (la ville aux 2 000 fontaines) — présentèrent à la Municipalité du Nord un plan du Marché public à établir sur une partie du jardin de l'ancien couvent des Petits Carmes.

Celui-ci devait s'élever au centre d'une place quadrangulaire entourée de maisons d'un style uniforme, élevées sur des galeries à arcades. Quatre rues allaient aboutir en ce point, de façon à faciliter l'accès de ce nouveau marché. Fieffé, administrateur du secteur Nord s'empressa d'accepter ce projet et lança même une souscription afin d'en faciliter l'exécution, tout au moins dans ses parties essentielles.

Le terrain fut nivelé, une pièce d'eau fut comblée et l'on traça les futures rues Rode et Sicard. Des baraques s'élevèrent pour la vente de comestibles. Le produit de leur location servit à rembourser peu à peu les souscripteurs.

Deux fontaines en pierre de Bourg ne tardèrent point à être construites sur les côtés Est et Ouest de la nouvelle place. Elles étaient surmontées d'un obélisque de 8 mètres, dans la tradition héritée de la Renaissance. Ornées d'une couronne à rubans et d'une inscription formée de lettres en bronze et en relief indiquant, aux passants, l'origine de ces deux ouvrages érigés en l'an 1800, le sieur Thibaudeau étant préfet du département de la Gironde et Charles Fieffé, maire de la section Nord, comme suit:

L'an 1800

Sous l'ADM on de M.M.

THIDAUDEAU PRÉFET du DÉP.

FIEFFÉ, MAIRE DU NORD.

Le 18 ventôse de l'an IX (9 mars 1801) Fieffé fit savoir à Thibaudeau que les 2 fontaines allaient être bientôt en état de recevoir les eaux et qu'il y avait lieu d'y conduire au plus tôt le liquide "utile à la Société".(Moyen pratique d'attirer les marchands de comestibles en ce point de la ville.)

Elles furent alimentées par machine hydraulique de la Font-de-l'Or (Voir sur ce site la page dédiée à la Font-de-l'Or: https://www.bordeaux-qqoqccp.com/themes/fontaines-de-bordeaux/fontaine-de-lor). François JOUIS s’engagea ainsi à fournir l'eau aux fontaines ci dessous:

Au final la Font de l’Or alimentait :

- 2 aux angles sud et nord de la place Royale (place de la Bourse)

- 2 fontaines adossées à la porte « Bourgogne »/porte « des Salinières »

- 1 fontaine sur la Place du Palais,

- 1 fontaine sur la place Sainte Colombe,

- 1 fontaine de la rue « de la Bourse » /rue « du Marché Royal »,

- 2 fontaines du Quai des Chartrons : vis-à-vis de la rue Raze et de la rue Borie,

- 2 fontaines du Marché des Chartrons,

- la fontaine de la Grave (réhabilitée)

Soit: 9 fontaines de 12 jets avec un débit de 24 livres minute, fonctionnant 7 heures par jour en 2 reprises (de 7h à 11h et de 15h à 18h).

Dès le 14 août 1806, le sommet de la pyramide côté Est menaçait de ruine, on la répara. Peu de jours après la constatation de l'état de l'un des deux obélisques de la place des Chartrons (le 23 août 1806) le maître Lafaurie Monbadon reçut les doléances du maître cordier Laffite, demeurant au 31 rue Borie, signalant l'interruption totale de l'eau à la fontaine devant chez lui, et ce, depuis plus de 3 mois. 

M. Lafitte déclarait en outre s'être offert de payer les réparations et que le maître fontainier avait refusé ses avances. L'ingénieur hydraulique  Pierre-jean-Baptiste Thiac, froissé de cette plainte, écrivit au maire le 30 août 1806 qu'aucune réclamation de cette nature ne lui avait été faite, qu'il s'était rendu sur les lieux et qu'il s'agissait  tout simplement d'un déplacement constant de soupape, dû aux chocs violents donnés à cet appareil distributeur.

Le marché n'ayant apparemment pas recueilli la faveur du public, en 1834 son état était devenu si déplorable que le fils de François Bonfin (Michel Jules) s'est vu chargé par la ville de restaurer le travail de son père...

Il va réorganiser la place de façon à ce que subsiste un marché de dimensions réduites tout en exprimant son amertume. Ce dernier s'indignant notamment car la moitié du marché fut détruite par le pillage et l'autre par ordre...Le marché "remanié" conserva cependant ses 2 fontaines.

A partir de 1857, deux bornes fontaines, alimentées par les sources du Thil et du Taillan (grâce à une nouvelle adduction d'eau) furent placées au pied des obélisques afin de relayer leurs cannelles asséchées par l'abandon de la Font de l'Or.

Dans les années 1870 la place fut remaniée. On décida de supprimer les "aiguilles" de pierre. La 1ère, située à l'Ouest, fut démolie en 1872 et la seconde la suivit de près...

• Sources: